Dix anciens amiraux arrêtés après une lettre contre un projet d'Erdogan — Turquie
- par Thibaud Popelin
- dans Monde
- — Avr 7, 2021
C'est une intervention dans la vie publique qui ne passe pas en Turquie.
À la retraite, les amiraux ont été placés en garde à vue. En tout, 104 anciens officiers avaient uni leurs voix, dimanche, pour s'opposer au projet. Quatre autres anciens officiers n'ont pas été arrêtés du fait de leur âge, mais ils ont reçu l'ordre de se présenter à la police d'Ankara dans les trois prochains jours. Ce mardi, la président de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen et le président du Conseil européen Charles Michel rencontraient Recep Tayyip Erdogan pour tenter de ranimer les relations entre la Turquie et l'Europe. "Il y a une différence entre exprimer ses idées et faire une déclaration sur un ton de coup d'Etat", a ainsi dénoncé dimanche le président du parlement Mustafa Sentop.
"Le devoir d'amiraux retraités n'est pas de publier des déclarations qui comportent des allusions à un coup d'Etat politique", a réagi le chef d'Etat turc, lundi après-midi, lors d'un discours à Ankara. "Aucun fonctionnaire à la retraite n'a le droit d'emprunter un tel chemin", a-t-il ajouté. Enfin, une enquête a été ouverte contre l'ensemble des signataires, pour réunion organisée dans le but de commettre un crime mettant en danger la sécurité de l'État.
Parmi les détenus figure notamment le contre-amiral Cem Gürdeniz, le "père" de la doctrine controversée de la "patrie bleue" prévoyant l'établissement de la souveraineté turque sur de larges pans de la Méditerranée orientale.
Les autorités turques se basent sur cette doctrine pour justifier leurs ambitions maritimes à l'origine des tensions entre la Turquie et la Grèce.
De hauts responsables turcs ont vigoureusement condamné la lettre ouverte des amiraux, qui devait être aussi examinée lundi lors d'une réunion au sommet de l'Etat présidée par M. Erdogan. L'intervention des militaires dans la politique reste un sujet sensible en Turquie.
Signe de la détermination du pouvoir d'empêcher toute incursion des militaires, fussent-ils à la retraite, dans la sphère politique, dix anciens amiraux parmi les signataires de la lettre qui a mis le feu aux poudres ont été arrêtés lundi.
Ce canal serait comparable à ceux de Panama ou de Suez.
"Canal Istanbul" est le plus ambitieux des projets de Recep Tayyip Erdogan, parmi les nouveaux aéroports, ponts, routes et tunnels bâtis depuis son arrivée au pouvoir. Le gouvernement argue qu'il permettrait de doter Istanbul d'un nouveau pôle d'attractivité en plus de soulager le Bosphore, l'un des détroits les plus congestionnés du monde.
Si la Convention de Montreux garantit le libre passage des navires civils dans les détroits du Bosphore et des Dardanelles, elle impose des restrictions à la traversée des bateaux militaires n'appartenant pas aux pays riverains de la mer Noire. Fahrettin Altun, chargé de la communication du président Erdogan, a estimé que toutes les personnes ayant signé ce texte seront amenées à rendre des comptes, face à la justice.
Le maire d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, du parti d'opposition CHP, est lui aussi un farouche opposant au projet Canal Istanbul pour des raisons financières et environnementales.