"Tout doit nous alarmer dans ce texte" — Loi Sécurité globale
- par Carole Baillairge
- dans Divertissement
- — Nov 18, 2020
- Soizic Bonvarlet, journaliste et membre de Chronik.
La proposition de loi sur "la sécurité globale" arrive à l'Assemblée: le texte propose de renforcer le rôle de la police municipale, des agents de sécurité privée, ou encore d'élargir massivement l'usage de caméras piétons et de caméras sur les drones lors d'opérations de police. "Si vous voulez diffuser sur Internet de façon sauvage (...), vous devrez faire flouter les visages des policiers et des gendarmes", avait déclaré le ministre. Il interdit donc la diffusion d'images du visage ou de tout élément d'identification d'un agent en intervention - à l'exception de son numéro d'immatriculation, le fameux RIO. L'argument selon lequel ce ne sont que les images malveillantes qui seront visées, n'est donc pas recevable et consiste en une simple argutie de langage. "On ne pourra plus témoigner des violences policières", estime Léa, étudiante de 23 ans. Le Comité a recensé "78 cas de violences policières" à Lyon depuis le début du mouvement des "gilets jaunes", dont 16 ont fait l'objet de plaintes.
"Est-ce que les journalistes pourront continuer à filmer?"
Ce texte qui se veut protecteur prévoit également de limiter la réduction des peines pour les personnes coupables d'infractions sur les forces de sécurité intérieure mais aussi sur les pompiers et les élus. À noter par ailleurs que cette proposition de loi répond directement à une " promesse " faite aux forces de l'ordre, de l'aveu même de Gérald Darmanin, ce qui a fait dire à David Dufresne, auditionné le 12 novembre par les députés et dont le travail est probablement l'un des plus accomplis en la matière, que les syndicats de policiers auraient "pris le pouvoir sur le politique, et notamment sur la place Beauvau".
Qu'en aurait-il été de ces deux exemples (et de bien d'autres, dont l'affaire Cédric Chouviat) avec l'article 24 de la loi sur la sécurité globale? Derrière cette proposition de loi, il s'agit d'empêcher la dénonciation des violences policières que les images professionnelles et amateurs ont permis de révéler ces dernières années. De la mort de Cédric Chouviat à celle de George Floyd, en passant par la mutilation de Jérôme Rodrigues, toutes ont contribué à enraciner la question des violences policières dans le débat public, là où depuis plusieurs décennies, les associations antiracistes, les comités "Vérité et Justice", précurseurs dans la dénonciation de ces violences, et quelques "journalistes militants", autre cible revendiquée de cette proposition de loi, pouvaient avoir l'impression de prêcher dans le désert. Mais sa ferme reprise en mains par le ministère de l'Intérieur et son nouveau locataire, Gérald Darmanin, passe mal parmi des députés LREM déjà mécontents du fonctionnement du Parlement à l'heure du reconfinement.
L'appel est lancé par l'Observatoire girondin des libertés publiques et ses partenaires (dont la Ligue des droits de l'Homme Bordeaux et Gironde) est signé par plusieurs organisations* dont des syndicats de journalistes et le Club de la presse Aquitaine. "Mais pourquoi dans une période où tout le monde se retrouve un peu tétanisé par la peur du Covid vouloir passer, presque en catimini et rapidement, des lois qui portent atteinte aux libertés fondamentales?".